Après une licence de lettres modernes à l’Université de Pau et des Pays de l’Adour, j’ai intégré l’École Supérieure d’Art des Pyrénées où j’ai suivi un cursus de cinq ans en Design Graphique Multimédia. En janvier 2015, diplôme en poche, je suis partie à la conquête de Paris sans trop savoir dans quelle aventure j’embarquais… mais aventure oblige, et étant grande passionnée de Cinéma, je devais être à la hauteur de l’image que je me faisais d’une héroïne indépendante, confiante, curieuse et créative. Sauf que non, je ne suis pas résumable en une phrase comme tant —trop— de rôles féminins, au cinéma ou à la télé, qui représentent, généralement, la femme comme dépendante, secondaire, soumise, monochrome.
Je me suis donc penchée sur qui j’étais vraiment, qu’est-ce qui me faisait rêver, qui m’enrageait, qui me faisait me sentir utile. Mon grand combat, c’était quoi ? C’était si évident que j’ai mis du temps à le comprendre…
Lorsque j’ai terminé ma licence de lettres en Angleterre, j’ai dû écrire une dissertation sur le féminisme dans Death Proof de Tarantino. Ce travail m’a passionné et c’est vraiment là que ça m’a frappé : mon grand combat c’était d’être une femme, parmi les femmes, parmi les hommes.
En fait, j’avais toujours été une féministe dans l’âme, mais —comme Margaux— je n’avais pas compris ce que cela impliquait vraiment. À vrai dire, lorsque j’étais adolescente, je me suis mise à croire au mythe de la féministe enragée. La violence et l’agressivité dont on les accusait, partout, tout le temps, m’empêchaient de comprendre à quel point nous étions tous concerné par ce sujet.
Mais la violence en général faite aux femmes, les inégalités et le sentiment d’insécurité dont j’ai été témoin et parfois victime moi-même m’ont fait réaliser qu’il fallait que les choses changent. J’ai compris que stigmatiser et discréditer les femmes qui se mobilisent, se battent et s’expriment était un moyen d’empêcher qu’on les écoute. Je ne crois plus au mythe de la féministe hystérique qui déteste les hommes. Il n’existe qu’un combat, celui de l’égalité. Et il s’adresse à toutes et tous. Cela va sans dire que les femmes sont les premières cibles de la misogynie, et ça par-delà toutes les frontières : qu’elle soit physique ou morale, la souffrance est toujours là. Encore aujourd’hui, trop de femmes ressentent dans leur chair que les hommes peuvent être de potentielles menaces et ont peur de sortir seule dans la rue. Elles sont trop nombreuses à se sentir jugées par rapport à leur physique ou leur tenue. Et trop de femmes sont violées et/ou meurent chaque jour sous les coups des hommes. Cependant, bien qu’étant victimes majoritaires, elles ne sont pas pour autant les seules : des hommes aussi souffrent de cette stigmatisation et de toutes ces inégalités. Nos sociétés et nos cultures ont tant été basées sur l’opposition entre l’homme et la femme et leurs conceptions propres que pour être un « vrai mâle », ils se doivent d’être tout ce qu’une femme n’est, soi-disant, pas : ils se doivent d’être viriles, forts et courageux, réfléchis et conquérants.
En tant que graphiste, je m’interroge : pourquoi les hommes et les femmes se cantonnent souvent à des mondes et des couleurs propres aux stéréotypes de leurs sexes?
Emma Watson l’expliquait brillamment, le 20 septembre 2014, lors de son discours à l’ONU pour la campagne He For She : « Nous parlons peu des hommes qui sont prisonniers de stéréotypes liés au genre, mais je sais qu’il y en a, et que le jour où ils parviendront à s’en libérer, la situation des femmes s’en verra spontanément améliorée. Si les hommes n’ont plus besoin d’être agressifs pour se faire accepter, les femmes ne se sentiront plus obligées d’être soumises. Si les hommes n’ont plus besoin de dominer, les femmes n’auront alors pas à être dominées. Les hommes, au même titre que les femmes, ont le droit d’être sensibles. Les hommes, tout comme les femmes, devraient se sentir libres d’être forts… Il est grand temps que nous appréhendions l’égalité comme un spectre, au lieu d’y voir deux idéaux distincts et opposés. »
Je ressens aujourd’hui le besoin de voir des hommes à nos côtés et j’aimerais qu’ils se sentent concernés et qu’ils se battent avec nous parce que, selon moi, le féminisme ne gagnera jamais le combat contre l’inégalité si cette opposition perdure. Aujourd’hui, plus que jamais, j’ai le sentiment que le féminisme mobilise et que les choses sont véritablement en train de changer et d’évoluer. Aujourd’hui, plus que jamais, je veux faire partie de ce combat.
Je veux me battre, aussi longtemps que je le pourrai, pour que les femmes soient respectées au même titre que les hommes, qu’elles puissent vivre librement et en sécurité, où qu’elles soient, où qu’elles veuillent, dans des villes et des pays qui leur appartiennent autant qu’aux hommes. Je veux qu’elles comprennent qu’elles ne sont pas seulement un corps, et surtout, que si elles ont besoin d’être sauvées, elles sont leurs propres héroïnes, qu’elles ont le droit d’avoir de l’esprit, des opinions, des combats.